mardi 30 septembre 2008

Articles non-publiés #2


Articles d'actualités des sciences non-publiés, destinés à un magazine de culture générale, numéro de novembre 2008. Chaque article était accompagné d'une illustration légendée.



Environnement

Les parasites prennent de l'importance
D'après une nouvelle étude, le rôle des parasites serait largement sous-estimé en terme de biomasse. La biomasse est une notion écologique qui tend à exprimer la masse totale des êtres vivants dans un milieu donné. Classiquement, les végétaux représentent l'écrasante majorité de cette biomasse, parfois jusqu'à plus de 95 %. On pourrait alors croire que la maigre part restante est attribuée aux grands animaux de ce milieu, mais il n'en est rien. En effet, une étude américaine publiée dans la revue Nature démontre qu'après analyse de la biodiversité dans trois estuaires au Mexique et en Californie, la majorité de la biomasse animale est principalement représentée par les parasites : 3 % de la biomasse totale. Un petit chiffre certes, mais les chercheurs estiment qu'il dépasse celui des grands prédateurs, oiseaux, poissons et autres crevettes, en particulier pour la classe des parasites trématodes comme la douve. Les parasites ayant un rôle central dans les flux d'énergie à l'intérieur des écosystèmes, ce résultat apportera sans doute de nouvelles perspectives dans l'étude des milieux naturels.

Un laser pour détecter la pollution atmosphérique
Le professeur Chin et son équipe (Centre d'optique, Université de Laval, Canada) viennent de mettre au point un laser femtoseconde très grande puissance qui pourrait détecter et analyser des gaz atmosphériques jusqu'à une distance de deux kilomètres. Cet appareil émet des impulsions laser très brèves (10-15 seconde) formant dans l'air des filaments qui ionisent et cassent les molécules de gaz. Excitées, elles émettent alors des rayonnements fluorescents propres à chaque composé qui sont analysés afin de révéler leur identité. Les premiers essais en laboratoire ont tenu toutes leurs promesses en détectant notamment des molécules de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone ou de butane. Protégée par un brevet d'invention américain, cette méthode est prometteuse car là où d'autres requièrent l'utilisation de plusieurs appareils, celle du professeur Chin n'en nécessite qu'un seul. La prochaine étape, sous couvert de financements, sera d'élaborer un laser femtoseconde transportable en extérieur, afin d'intervenir sur des zones contaminées, toxiques ou polluées.

Des éléphants de mer contribuent à l'étude des courants océaniques
En Antarctique, chaque hiver, lorsque la banquise se reforme, seule l'eau est prise dans la glace, le sel restant dans l'eau de mer. Cet enrichissement en sel provoque alors un alourdissement de cette l'eau qui se refroidit et plonge profondément, formant ainsi le puissant courant circum-Antarctique qui ceinture le continent blanc. Techniquement, les données concernant cette circulation océanique sont difficiles à obtenir. Pour les récolter, des scientifiques (CNRS/MNHN) ont eu l'idée de se servir d'une population d'autochtones : les éléphants de mer. Ainsi, en 2004 et 2005, 58 de ces animaux ont été équipés de balises Argos miniatures, permettant de fournir en temps réel le long de leurs déplacements 16 500 profils verticaux de température et de salinité, dont 4 520 pendant l'automne et l'hiver austral. En effet, un éléphant de mer est capable de plonger plus de 60 fois par jour, à une profondeur moyenne de 600 m. Ces très riches informations cartographiées complètent aujourd'hui les modèles océan-climat et permettent d'évaluer plus précisément les relations entre la circulation thermohaline (relative au sel) et le réchauffement climatique.


Médecine

Un virus qui infecte les virus
A la frontière entre le monde vivant et le monde inerte, les virus continuent d'étonner les chercheurs. D'ordinaire, ces entités ont besoin d'une cellule hôte pour se multiplier : elles y introduisent leur matériel génétique et utilisent la machinerie de la cellule pour fabriquer d'autres virus semblables. En observant un nouveau venu récemment découvert, Mimivirus, le professeur Raoult et son équipe (CNRS/Université Aix-Marseille II) remarquent des fragments associés qu'ils prennent tout d'abord pour des morceaux de génome satellite. Mais le professeur Raoult démontre rapidement qu'il s'agit en réalité de virus, qu'il s'empresse de baptiser avec humour « Spoutnik » en raison de cette bévue. Il s'agit là de la première découverte d'un virophage, un virus qui en infecte un autre. A l'instar des autres virus, son infection se fait au détriment de son hôte qui subit une diminution de son taux de multiplication ainsi que des défauts de fabrication. Par ailleurs, une part des gènes de cette nouvelle entité biologique proviennent d'autres virus dont Mimivirus, ce qui prouve que les virophages jouent un rôle important et jusqu'alors méconnu dans les flux de gènes entre virus.

Vers une greffe de neurones
Les derniers travaux d'une équipe belge ouvrent de nouvelles perspectives dans les techniques de greffe cérébrale. Menés par Pierre Vanderhaeghen, ces chercheurs de la faculté de médecine de l'Université libre de Bruxelles sont partis d'une découverte de l'un d'entre eux, qui a mis au point une méthode « étonnamment simple et efficace » pour obtenir in vitro des neurones fonctionnels à partir de cellules souches*. A l'aide d'une chercheuse CNRS de l'Université de Poitier, ils ont ensuite greffé ces neurones dans un cerveau de souris. Les neurones ainsi transplantés sont parfaitement capables de s'y intégrer et de recréer des circuits spécifiques du cortex en se connectant au cerveau. Ces recherches ne tarderont pas à trouver écho dans de nombreux domaines puisqu'elles fournissent une source illimitée de neurones corticaux. Recherches pharmaceutiques, traitement de maladies dégénératives telle la maladie d'Alzheimer ou intervention après un accident vasculaire cérébral, cette avancée constitue également une alternative à l'expérimentation animale ou humaine.
*Cellule souche : cellule indifférenciée qui peut devenir, après signal génétique, n'importe quel type de cellule différenciée et spécialisée : cellule de foie, de cœur, de peau, etc. Les cellules souches sont issues d'embryons, de fœtus ou de tissus adulte.

Salmonelles, une lutte intestine
C'est une guerre sans merci qui se déroule dans notre intestin. D'un côté, les puissantes bactéries commensales qui occupent et défendent ces terres depuis toujours. De l'autre, les salmonelles qui n'ont qu'un objectif : conquérir ce territoire. Le rapport de force est totalement déséquilibré et pourtant, les nombreuses personnes infectées tous les jours le confirmeront, les salmonelles arrivent parfois à leur fin. Comment ? En adoptant une stratégie de sacrifice d'une partie d'entre elles. Un commando kamikaze spontané est le premier à ouvrir les hostilités en attaquant la muqueuse intestinale. En réaction, l'inflammation provoque une diarrhée qui élimine tous les belligérants, bactéries commensales et éclaireurs salmonelles. Une fois le champ libre, le gros des troupes de salmonelles peut alors se multiplier. D'un point de vue évolutif, les chercheurs ont par ailleurs vérifié mathématiquement que seul un bénéfice supérieur aux pertes des salmonelles amène à ce type de comportement coopératif et altruiste. A cheval entre médecine et évolution, cette étude a été menée par le département de Biologie de l'Institut fédéral suisse de technologie de Zürich.


Matière et espace

Une masse comme mille fois notre galaxie
Le plus gros amas de galaxies vient d'être découvert fortuitement par le télescope spatial européen XMM-Newton. Alors que cet instrument s'affairait à cataloguer dans le domaine des rayons X les objets les plus brillants de la voute céleste, un objet très lumineux se fait remarquer. Afin de confirmer cette observation, les astronomes demandent à leur collègues du télescope spatial terrestre LBT (Arizona, États-Unis) de pointer sur l'objet ses deux miroirs de 8,4 m de diamètre et de le photographier en lumière visible. Désormais, le catalogue compte un nouveau venu : 2XMM J083026+524133. Cet amas de galaxie a de quoi surprendre. Distant de 7,7 milliards d'années-lumières, sa température est de 100 millions de degrés Celsius pour une masse qui équivaut à mille fois celle de notre galaxie, la Voie lactée. Ce record pour un amas aussi lointain constitue une preuve supplémentaire dans l'hypothèse de l'énergie noire, une source d'énergie sombre qui échappe encore aux observations directes. Mais comme cette énergie entrave la croissance de groupes de galaxie, cet amas n'a donc pu se former que très tôt. Selon les chercheurs, seul l'énergie sombre peut expliquer son existence.

Une balance à atome
Quelle est la plus petite masse que l'on puisse peser ? Un grain de poussière ? Une bactérie ? Des chercheurs de l'Université de Berkeley (Californie) ont réalisé un appareil capable de peser... un atome. Cette balance à atome est basée sur les oscillations imprimées à un nanotube de carbone préalablement chargé négativement. Ces vibrations font entrer le nanotube en résonance. Lorsqu'un atome se pose sur le tube, la fréquence d'oscillation change instantanément, et la masse de l'atome est connue en seulement une seconde. Ce Nems (nanoelectromechanical system) a ainsi évalué la masse d'un atome d'or : 3,25 x 10-25 kg. Outre la rapidité d'exécution, le dispositif offre de nombreux autres avantages de taille. Là où un spectromètre de masse (appareil qui identifie une molécule par sa masse) nécessite une pièce entière, le Nems peut tenir dans une puce électronique. De plus, pour les autres techniques, la ionisation de l'échantillon est un prérequis, alors que ce dispositif n'exige pas cette fragmentation préalable. Cette méthode est donc adaptée à la mesure de la masse de macro-molécules telles les protéines ou l'ADN.


Sciences de la vie

Une baisse de température favorable à la vie
Au début de l'Ordovicien, il y a 480 millions d'années (MA), les océans se sont qu'une vaste soupe chaude dans laquelle nage une grande diversité d'être vivants. Jusqu'alors, les scientifiques pensaient qu'un « super effet de serre » avait fait grimper la température de l'eau (plus de 70 °C), en se basant sur l'analyse des coquilles de mollusques fossiles. Ces résultats reposent sur les rapports des isotopes* de l'oxygène qui sont de véritables thermomètres atomiques puisque ce rapport varie en fonction de la température. Une nouvelle étude semble pourtant tempérer ce constat. En utilisant la même méthode, mais sur des éléments de squelettes de conodontes, des anguilles fossiles, des chercheurs français du CNRS et australiens ont estimé qu'à - 480 MA, les eaux à seulement 45 °C se sont refroidies progressivement, perdant jusqu'à 15 °C en 40 MA. Or, au cours de cette période, la diversité explose, allant jusqu'à quadrupler le nombre de familles ou de genres. La preuve en est, à cette époque, les premiers coraux construisent leurs récifs et les fonds marins sont colonisés. La température des eaux est alors comparable à celle des eaux tropicales actuelles.
*Isotope : chaque atome se caractérise par un nombre de protons et un nombre de neutrons. Deux atomes sont dit isotopes lorsqu'il ont le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. Un des isotopes du carbone est le carbone 14 qui permet de dater un échantillon.

Le premier séquençage d'un parasite de plantes
Après certains virus, bactéries, insectes ou vertébrés, dont l'Homme, c'est au tour d'un petit ver nématode parasite, Meloidogyne incognita, de dévoiler ses gènes. Ce travail de séquençage, la détermination complète de la séquence ADN (ou ARN) du génome d'un organisme, réalisé par un consortium de 27 laboratoires français et internationaux, piloté par l'unité INRA de Sophia-Antipolis, à Nice, apporte de précieuses informations. Premièrement, le génome de ce ver semble être issu de la juxtaposition d'au moins deux génomes, ce qui expliquerait sa grande capacité d'adaptation. On compte en effet pas moins de 25 000 espèces de nématodes, réparties dans le monde entier. Deuxièmement, l'animal possède un nombre particulièrement important d'enzymes, dont certaines d'origine bactérienne, permettant de parasiter une grande quantité de plantes. Le séquençage complet de ce ver parasite ravageur de culture permet à terme des avancées en matière de recherche fondamentale ou appliquée, comme la lutte ciblée qui remplacera à cours terme la lutte chimique aveugle.

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